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Vers la Chimie en continu, pour une synthèse efficace et sûre des principes actifs et intermédiaires pharmaceutiques

25/05/2020

Environ 2 800 principes actifs pharmaceutiques (APIs) sont actuellement commercialisés, dont plus de 70 % sont des molécules chimiques de synthèse. Leur complexité tend à augmenter : parmi les traitements approuvés annuellement par la FDA (Food Drug Administration – l’agence du médicament américaine), on note une augmentation régulière du poids moléculaire moyen et du nombre de fonctionnalités chimiques. Aujourd’hui, les nouveaux médicaments contiennent fréquemment plusieurs hétérocycles, dont des éléments classiques du tableau périodique tels que l’azote, l’oxygène ou le fluor. Ces structures originales sont recherchées pour cibler de manière sélective certains récepteurs biologiques, ou pour modifier la biodisponibilité des médicaments. Réussir la synthèse de ces molécules complexes requiert un haut niveau d’expertise chimique.

Gérard Guillamot, Directeur Scientifique de Seqens, explique : « Plus de 35% des médicaments approuvés par la FDA nécessitent au moins une étape de nitration dans leur processus de fabrication, et environ 20% une étape de fluoration, pour ne citer que ces deux familles de réactions. De telles étapes chimiques mettent en oeuvre des agents de synthèse souvent très réactifs, parfois corrosifs ou toxiques, tels que l’acide nitrique, le nitrite de sodium, les azotures ou l’acide fluorhydrique. Les réactions elles-mêmes sont souvent caractérisées par leur exothermie, et parfois par la nature énergétique ou instable des intermédiaires« .

Au cours des 20 dernières années, l’industrialisation de ces réactions s’est raréfiée sur le territoire européen du fait de la difficulté de maintenir leur mise en œuvre dans des conditions environnementales et de sécurité acceptables au regard des réglementations locales. De fait, une grande partie de la production d’APIs a été exportée vers les pays asiatiques : une crise comme celle du Covid-19 révèle la fragilité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments dans les zones géographiques occidentales. Il est d’ailleurs notable que plusieurs médicaments en cours d’essais cliniques pour le traitement du CoVid-19 nécessitent des étapes chimiques exothermiques.

Cependant, de nombreux travaux ont été faits en matière de sécurisation des procédés industriels. Largement inspirée des procédés à grande échelle utilisés en pétrochimie ou en chimie de commodités, la chimie opérée en continu (également dénommée Flow Chemistry) est considérée comme un atout technologique essentiel pour le contrôle des réactions chimiques sensibles, telles que la nitration ou fluoration.

Le fonctionnement en continu permet en effet de minimiser les volumes réactionnels : la quantité de mélange réactionnel instable dans le réacteur continu à un moment donné est considérablement réduite par rapport à un procédé batch classique, diminuant d’autant les risques opérationnels. Le ratio surface/volume est également beaucoup plus favorable, ce qui autorise une opération plus sûre avec un meilleur contrôle de la température de réaction et de l’exothermie.

La chimie en continu se caractérise également par un gain en efficacité chimique : les réacteurs continus à écoulement piston, ou les cascades de réacteurs agités, permettent un contrôle plus fin de la distribution des temps de séjour qu’en réacteur batch, et dans de nombreux cas une meilleure sélectivité. Tous ces éléments contribuent à minimiser les réactions secondaires et la formation d’impuretés : la qualité des produits est améliorée en conséquence, et l’empreinte environnementale de ces procédés en est considérablement réduite.

La clé de la maîtrise des procédés chimiques continus est de combiner des expertises en chimie et en génie des procédés. La complémentarité de ces deux disciplines est essentielle pour industrialiser efficacement, en continu, un procédé développé en laboratoire.

Dominique Audoux, Directeur Technique de Seqens, précise : « de par son histoire, Seqens bénéficie d’une longue expérience sur les opérations en continu : nos ingénieurs chimistes et ingénieurs procédé conçoivent, optimisent et exploitent des procédés continus depuis des décennies, tant pour produire des molécules-plateforme de gros volume que des principes actifs pharmaceutiques tels que l’acide salicylique grade pharma (BPF ou GMP) ».

Chez Seqens, la mise en œuvre en continu des étapes réactionnelles est évaluée de façon systématique, pour tous les projets clients et internes du groupe, afin d’identifier très rapidement les produits qui pourraient bénéficier d’une telle technologie. La partie expérimentale est réalisée par le Seqens Lab, centre R&D de Porcheville (France), qui est équipé de réacteurs laboratoires continus et d’outils analytiques appropriés pour l’acquisition de données.

Afin de compléter sa boîte à outils, le Seqens Lab sera équipé fin 2020 d’une nouvelle unité pilote GMP, capable d’accueillir des réactions de type nitration, diazotation ou halogénation, et de produire des lots pré-commerciaux représentatifs jusqu’à l’échelle de la tonne. Cet outil flexible permettra d’accroître la robustesse des procédés, et d’en accélérer les étapes de montée en échelle et d’industrialisation.

Seqens s’appuie sur son haut niveau de compétences scientifiques pour déployer la chimie en continu et bénéficier de ses avantages en termes de sécurité, de consommation de réactifs et d’efficacité. Cette technologie permet désormais d’envisager un rapatriement massif de certaines réactions complexes, d’intermédiaires et d’APIs, vers l’Europe. Cette réindustrialisation, sous réserve que cet effort soit soutenu par une politique d’investissement appropriée, permettra à terme de sécuriser la chaîne d’approvisionnement de nombreux médicaments en Europe.